samedi 26 juin 2010

Que veut la gauche d'aujourd'hui?

« Empire » : le nouvel ennemi de la gauche

par Daniel Pipes
National Review Online
22 juin 2010
Version originale anglaise: The Left's New Enemy: "Empire"
Adaptation française: Johan Bourlard
On sait ce que voulaient Marx, Lénine, Staline et Mao (un État contrôlant tout) et comment ils ont atteint cet objectif (le totalitarisme brutal). Mais ce que veulent aujourd'hui leurs successeurs et comment ils espèrent le réaliser, voilà une question qui, curieusement, n'a pas été étudiée.
Ernest Sternberg de l'Université de Buffalo propose des réponses dans un article éclairant paru dans un numéro récent de Orbis, « Purifying the World : What the New Radical Ideology Stands For » (« la lutte de la nouvelle idéologie radicale : purifier le monde »). Il commence par décrire brièvement ce que l'extrême gauche contemporaine (par opposition à la « gauche raisonnable ») combat et ce qu'elle revendique.
Ce que la gauche combat. Le pire ennemi est quelque chose qu'on appelle Empire (sans article défini), un monolithe prétendument planétaire qui domine, exploite et opprime le monde. Sternberg résume toutes les accusations de la gauche au sujet de l'Empire :
Les gens vivent dans la pauvreté, les aliments sont contaminés, les produits sont artificiels, le gaspillage est obligatoire, les groupes indigènes sont dépossédés et la nature même est ébranlée. Les ravages d'espèces invasives, la fonte des glaciers et le dérèglement des saisons représentent la menace d'une catastrophe mondiale.
Empire, le texte clé du fascisme de gauche.
L'Empire arrive à ses fins au moyen « du libéralisme économique, du militarisme, des sociétés multinationales, des grands groupes médiatiques et des technologies liées à la surveillance. » Le capitalisme, parce qu'il provoque des millions de morts qu'éviterait un système non-capitaliste, est également coupable de massacre. Les États-Unis sont bien évidemment le Grand Satan accusé d'accaparer des ressources démesurées. Leur armée opprime les pauvres pour permettre à leurs sociétés de les exploiter. Leur gouvernement fait la promotion du prétendu danger du terrorisme pour agresser à l'étranger et réprimer à l'intérieur du pays.
Israël est, lui, le Petit Satan qui sert de sinistre allié à Empire – à moins que, en réalité, l'État juif soit lui-même le maître ? Des rencontres du Forum social mondial au Brésil, à la conférence des Nations Unies contre le racisme à Durban, en passant par les Églises dominantes et les ONG, le sionisme est représenté comme le mal absolu. Pourquoi Israël ? Au-delà de l'antisémitisme primaire, il est le seul, parmi les pays occidentaux, à vivre sous un déluge constant de menaces qui, en retour, le force à s'engager constamment dans des guerres. « Sorties de tout contexte, note Sternberg, les actions menées par Israël lui donnent l'image recherchée de l'agresseur. »
Pour combattre l'Empire et ses moyens supérieurs, la gauche a besoin de s'allier à quiconque s'y oppose – en particulier les islamistes. Les objectifs des islamistes sont à l'opposé de ceux de la gauche mais qu'importe, tant que les islamistes aident à combattre l'Empire, ils ont une place de choix au sein de la coalition.
Ce que la gauche recherche. Un premier mot d'ordre est authenticité : le caractère artificiel de l'Empire rend toute culture indigène semblable aux espèces en danger. La culture devrait être indigène, naturelle et protégée contre l'Empire et ses bassesses mercantiles (ex. Hollywood), son rationalisme frelaté et ses conceptions dénaturées de la liberté.
Un deuxième mot d'ordre est démocratie. La gauche rejette la structure froide et formelle d'une république mature et préfère encenser une démocratie non hégémonique qui permet à la base de mieux faire entendre sa voix. Sternberg explique que le processus démocratique « se déroulera au moyen de meetings débarrassés du contrôle pesant de la loi, de la procédure, du précédent et de la hiérarchie. » Ces termes pompeux cachent cependant une formule pour le despotisme ; toutes ces lois, procédures, précédents, hiérarchies servent un objectif bien réel.
Francis Fukuyama, La Fin de l'Histoire et le dernier homme. Apparemment, l'Histoire n'est pas finie.
Un troisième mot d'ordre est durabilité. Pour intégrer les économies à l'écosystème de la planète, le nouvel ordre « ira de pair avec l'énergie renouvelable, la culture biologique, les marchés de produits locaux et le recyclage en circuit fermé pour les industries, si celles-ci sont nécessaires. Les gens voyageront en transport public ou rouleront dans des voitures peu polluantes voire mieux, prendront le vélo. Ils vivront dans des bâtiments verts, construits avec des matériaux locaux et dans des villes qui grandiront naturellement au sein de biorégions. La vie sera libérée des émanations de carbone. Ce sera un mode de vie calme et permanent. » Le socialisme fait partie intégrante du tableau mais l'économie, contrairement à ce qu'elle fut naguère, ne domine plus. Le nouvel objectif des gauchistes est plus complexe qu'un simple anticapitalisme et constitue toute une façon de vivre. Sternberg donne à ce mouvement le nom de world purificationism (« purificationisme mondial »), mais je préfère fascisme de gauche.
Il pose alors la question cruciale : le dernier avatar de la gauche va-t-il lui aussi devenir totalitaire ? Il pense qu'il est trop tôt pour y répondre de façon définitive mais il note plusieurs « signes annonciateurs d'un totalitarisme », dont la déshumanisation des ennemis et les accusations de massacres. Il prévient d'un changement quand les fascistes de gauche « restent fidèles à leur rhétorique cataclysmique et s'attachent des ceintures d'explosifs ou prennent les armes pour devenir des martyrs. » En d'autres termes, les risques sont réels et actuels.
Que reste-t-il des théories à la mode il y a vingt ans, claironnées lors de la chute du Mur de Berlin, à propos de la fin de l'idéologie ? La gauche, qui s'est amenuisée après la chute du léninisme, menace à présent l'humanité dans une nouvelle version de son idéologie anti-occidentale, anti-rationnelle, anti-liberté et anti-individualiste.
Mise à jour, 22 juin 2010 : idées supplémentaires n'ayant pas trouvé place dans l'article.
1) La spoliation, par l'Empire, d'une culture indigène authentique, trouve un exemple éclairant, et en 3-D s'il vous plaît, dans le film de James Cameron, Avatar.
2) Cette pensée n'est pas seulement un concept utopique d'ONG. Elle a aussi de véritables conséquences sur le monde réel, comme nous le prouve le Venezuela dirigé par Hugo Chávez.

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